26 août 2005
Entrée rétroactive du 26 août, de retour à F. Le
Entrée rétroactive du 26 août, de retour à F.
Le cinq août : arrivée progressive de ma paresse estivale et scripturale...
Mercredi, on est allés écouter Bernard M. chanter des chansons de Jean Ferrat dans la cour du presbytère de Robiac. Le chanteur a une belle voix puissante et chaude qui rappelle celle de Jean Ferrat. Le Mistral, indomptable est de la partie et Bernard M. doit attacher toutes ses feuilles avec des élastiques, mais le vent parvient à lui en arracher quelques unes, faisant semblant de s'essoufler pendant quelques minutes pour revenir d'un seul coup avec une force décuplée. Les vieilles pierres de l'église, le soir qui tombe et le ciel qui s'étoile peu à peu, le bruit rageur du Mistral dans le feuillage du gros platane sanscesse décoiffé, ébourriffé, ratissé dans tous les sens...
Lundi, on a enterré Camille. Je ne connaissais pas Camille, mais je crois que c'était la vieille dame qui faisait chaque soir le tour du village avec son petit chien blanc. Il a dédié la soirée, et plus particulièrement la chanson :"tu aurais pu vivre encore un peu " à Camille, présente au presbytère deux semaines plus tôt, sous la terre à présent. Bye-bye Camille, tu aurais pu vivre encore un peu. Dans un village, la mort ne passe pas encore tout à fait inapercue.
A un moment, il a dit en riant :"Celle-la, je suis sûr que vous la connaissez pas! tout en jouant les premiers accords et tout l'auditoire s'est mis à chanter tout seul :
Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés"
Ils n'étaient pas tout à fait dans le rythme, mais pas un seul qui ignore les paroles. La chanson des Cévennes et du Vivarais.... ceux qui l'ont quitté le pays, ne l'ont presque jamais fait volontairement. Près d'Aujac, nous avions rencontré ce vieux Monsieur qui avait passé sa vie active à Marseille et qui était revenu au village pour s'occuper de "deux chèvres et puis quelques moutons" qui ne lui donneraient jamais assez pour survivre mais dont il était heureux de s'occuper enfin, maintenant que la vie à la ville était terminée. Le berger ex-hippie de Montagnac, qui possède pourtant un paquet de brebis nous avait dit aussi qu'il était obligé de vivre du RMI.
Des gens me demandent si je ne m'ennuie pas dans cette campagne ("Vous vous languissez?" disent-ils ici, ce joli verbe qu'on emploie peu dans le Nord.) Au musée PAB à Ales, (Pierre André Benoit, imprimeur et copain de maints poètes et artistes du 20ème siècle et lui même poète), cette phrase, qui est ma réponse :
"Rien n'est assez regardé
Jamais l'oeil ne perce tout le mystère
Plus il se glisse en vrille
Plus vive est la sensation d'une découverte."
Je ne me lasse pas de regarder (et d'écouter). C'est pour cela que j'écris peu. Chaque soir, du balcon, le spectacle de minute en minute n'est jamais le même.
le 13 août
Enfants de Marseille
Poulbots méridionnaux
Aux grands yeux de faons
Ourlés de franges sombres
Aux peaux de pain d'épice
De pain brûlé,
De réglisse.
Glissés dans leur poussette
Entassés dans les bus
Trottinant sur de maigres trottoirs
Barbotant dans l'eau glacée des calanques
Chantant à voix forte et rythmée
"Je suis le monde entier
C'est moi le monde!"
Plongeant dans l'eau douteuse du port
Et s'ébrouant comme jeunes chiens
Ou laissant perler les gouttes claires sur la peau caramélisée.
Regards confiants de tous petits qui quêtent l'amour des grands
Rire perlé d'une gamine
Enfants heureux, dans l'instant
Enfants sans famine
Enfants qui ne sautent pas sur des mines.
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