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Le blog du Canada
28 octobre 2005

Le coeur est un oiseau

J'aurais vécu deux mois ici sans voiture sans téléphone sans sèche-cheveux, sans machine à laver, sans télé (mais avec Internet0 Qu'est-ce qui manque le plus? La télé, on s'en passe admirablement, la voiture, c'est dur quand il fait froid. La machine à laver peut-être?
Quand on était à Chicoutimi, F. m'a dit qu'il avait fait une maîtrise en arts visuels sur la photobiographie, utilisant en particulier les écrits de Barthes et de Philippe Lejeune. Je ne me souviens plus du nom des photographes qu'il a cités. Qu'est-ce que la photobiographie? Au degré zéro, toute personne qui commence un album-photo la pratique, je suppose. Mais d'après lui les photobiographes ont pris des chemins plus complexes que j'aimerais bien explorer. Il dit que c'était très tendance dans les années 80.
Une artiste vue dans une galerie à Québec a écrit : "il n'y a pas de mots, il n'y a que des images" (mais pourquoi l'écrit-elle alors?) quand on écrit de la poésie, c'est certainement vrai, les mots sont des images, les images sont dans les mots. Mais moi, j'aime les mots, je les vois mieux que les images.
Quand je serai rentrée, j'aurai certainement moins de temps pour écrire. Ça va me manquer. Il faudra "enseigner" Enseigner, "ensenar", c'est montrer en espagnol?
J'ai essayé de montrer le Québec. Ce que j'en voyais, j'en sentais, j'en ressentais.Sans image. Juste avec des mots. Mais qu'est-ce que les autres en voient? des fois ce serait plus simple de mettre des images. Je me suis demandée une fois en regardant les érables : combien de mots y a-t-il pour dire "rouge"?
Mais un peintre aurait le même problème. Pas un photographe?
G. s'étonne du drapeau fleurdelysé et du buste de Louis 16 (que je soupçonne fort d'être en réalité Louis 14) sur la place Royale de Québec. Cela le choque, dit-il, parce que ça donne au touriste une impression de royalisme, d'ignorance de la révolution etc.. Comme si notre histoire devait forcément être le moule sur lequel se calque celle du Québec. Ce qu'ils mettent dans ces symboles est totalement différent  de ce que nous y mettons. N. très véhémente : NOUS NE SOMMES PAS VOS COUSINS ! Et qu'on se le tienne pour dit! Ils n'ont pas fait la révolution, ils n'ont pas tué de rois, ils (une poignée de colons perdus, dit N. ) ont juste été abandonnés par des Français indifférents (on va pas se battre pour quelques arpents de terre glacée, dixit Voltaire) à des Anglais très intéressés par le deal . Alors on va pas venir leur faire la leçon sur ce qu'ils doivent adopter comme souvenirs historiques politiquement correct, non? N., toujours : "On vient de rien , on n'a pas d'histoire, on essaie de s'en faire une."
C'est légitime, je trouve.
Certains Français ont des difficultés à imaginer qu'on puisse voir le monde  à partir d'un autre angle de vision qu'eux mêmes. C'est sans doute pour cela que à la rencontre à Alma une jeune femme à qui j'expliquais que j'étais une Française en exil m'a répondu : Ben, c'est aussi bien comme ça!
Hier on a encore chanté à pleine voix du Richard Desjardins, on a crié "v'la les Yankees" et "Liberté, liberté,  le Coeur est un oiseau" J. a eu du succès, car il connaissait la chanson par coeur!

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Commentaires
T
Tu ne veux pas en faire un album, de ton blog, avec des images?<br /> Sur le ouèbe, et/ou sur CD pour les amis?<br /> <br /> Ca ne devrait pas être bien sorcier à réaliser. Je devrais même pouvoir faire ça... euh... quand j'aurais un peu de temps.<br /> Comme toi, c'est là que ça coince :)
C
Je me débrouillerai pour t'envoyer quelques unes des photos qu'on a prises, parce que curieusement, ce qui revient tout le temps, ce sont :les oies, les couchers de soleil, le Fleuve, les paysages. Et les Granges ! qui ont tellement fasciné Hannes!
T
J'aime les mots, j'aime les images, j'aime toute forme de language.<br /> Avec les mots, chacun voit ce qu'il veut. Avec ses souvenirs, son imaginaire propre, l'épaisseur que son expérience vécue a donné aux mots. Connotations.<br /> L'image oblige à voir certaines choses. Les formes sont fixes, les couleurs celles déformées par l'objectif, l'émulsion de la pellicule, le traitement chimique ensuite, modifiées par l'oeil du peintre. <br /> J'aime la photo en noir et blanc, ne rend que la lumière. On imagine les couleurs, on n'a que leur densité. Poème.<br /> <br /> Me fait penser au fils d'un copain qui m'interrogeait sur le dernier Harry Potter que j'avais lu en VO et qu'il attendait en français. Au bout d'un moment, il me sort: "C'est marrant, on dirait que tu as vu le film."<br /> Le gosse a vu les films avant de lire les bouquins. A m'écouter, il voyait les images. <br /> L'imaginaire. Préformatté.<br /> Je me suis fait la réflexion que les films avaient changé ma vision de ce monde là pour m'imposer la leur. La gueule des gosses, le chateau collège de sorciers que je ne voyais pas comme ça, que je vois comme ça maintenant, presque plus le choix. Mon refus et mon horreur devant le troisième film américanisé à mort. On m'a changé mes repères et ceux-là ne me vont pas.<br /> Intéressant, tout ça.<br /> <br /> Pour les photos du Canada, j'en aurais bien vu sur ce blog, en commentaire. Elles aurait dit autre chose, parlé différemment sans remplacer les mots. Mais peut-être auraient-elles modifié ton discours. <br /> <br /> A propos de photos, c'est marrant, par choix, je ne prends pas de photos de gens. J'essaie même de les enlever des paysages, les gens. Ca doit vouloir dire quelque chose.<br /> Ici, moi étant moi, j'aurais bien aimé voir les oies, le fleuve, la forêt, les paysages. Pas les gens dont tu parles qui me vont très bien dans les mots.<br /> Marrant.<br /> <br /> Toujours les mots et les images.<br /> Le premier bouquin de Scott Momaday que j'ai traduit se situe dans des endroits que je ne connaissais pas. Je n'avais pas Internet à l'époque, je n'avais que les mots de l'auteur pour les décrire, et je m'interrogeais copieusement sur leur sens précis. Sur les images que je voyais, celles qu'il décrivait, avec ses mots à lui, le sens qu'il leur donne.<br /> Plus tard,au festival de St Malo, j'ai eu l'occasion de passer pas mal de temps avec lui. Nous avons beaucoup parlé, joué avec les mots, nous parlons la même langue, et ce n'est pas l'anglais. Nous avons la même vision du langage, les mêmes manières de l'utiliser.<br /> Alors que je commençais la traduction de sa biographie collage, je suis allée le voir chez lui, au Nouveau Mexique, dans ces mêmes paysages. Et j'ai constaté que je les avais vus à travers ses mots, tout, les couleurs, les lumières, les distances, les horizons bleutés, la forme des montagnes. <br /> Surprenant que le langage puisse être aussi... fiable.<br /> Cela ne doit pas être toujours le cas.<br /> Avec lui, on se comprend comme on dit.
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